Salut David, merci pour ton temps! Peux-tu te présenter en quelques mots?
Salut Nicolas, je suis David des Cycles Roubam et mon atelier se trouve rue Danton à Lyon. Le magasin/atelier où je suis installé maintenant est celui où les cycles Guédon ont opéré pendant plus de 40 ans!
Sacré historique ! Comment en es-tu arrivé là? Quel a été ton parcours?
Et bien, depuis mes 18 ans, je voyage énormément. J’ai beaucoup expérimenté, à pieds, seul, en auberges de jeunesse, sous la tente, des traversées de massifs montagneux, des randos, etc… Chaque expérience me permettait d’ouvrir une porte vers la prochaine.
Puis, alors que je vivais sur Paris, j’ai eu envie de partir pour quelque chose de plus significatif, au travers d’une nature immense et intacte. Sans pour autant me définir comme un cycliste, j’ai toujours eu un vélo en étant gosse et en ville, je l’utilisais pour tous mes déplacements. Donc même si je n’avais jamais voyagé avec, j’ai tout naturellement pensé au vélo pour partir.
Ma destination était le Kirghizistan, pays peu connu mais incroyable par sa nature, ses montagnes et son isolement. J’avais pour objectif de découvrir à un rythme tranquille pour vivre des expériences locales et uniques. Le vélo était donc aussi basique possible: 26 pouces, freins patins, 3 plateaux, simple et efficace.
Avant mon départ, je me libère de tout ce qui pourrait être un poids pour mon voyage. Ainsi, je quitte mon travail, je libère ma chambre de colocation, annule tous mes abonnements, j’arrête mes cours de peintures, je termine mon carnet d’accès à la salle d’escalade et je vends une partie de mes meubles. Étrangement, me libérer de tous ce que j’ai est un soulagement…
Quand j’ai commencé à voyager là-bas, je me sentais incroyablement libre et le temps n’existait plus. Ce qui me rythmait c’était ce qu’il me restait sur mon compte bancaire. Combien de temps je peux rouler avec ce qu’il me reste, c’était ça ma seule préoccupation!
Ce voyage m’a fait prendre conscience de la capacité unique du vélo à favoriser les rencontres, bien au-delà de tout autre moyens de transport. Lorsque l’on fait face à des épreuves difficiles, l’expérience d’avoir une personne qui prend le temps de s’arrêter, d’échanger quelques mots, de partager un fruit ou de simplement offrir des encouragements, devient une source d’énergie et de réconfort exceptionnelle. On retrouve ainsi l’homme dans sa vraie nature.
Et c’est comme ça que j’ai fini par voyager durant une année complète alors que j’étais parti pour 3 mois. Je suis parti là-bas en avion et je suis revenu en France à vélo, en passant par l’Ouzbékistan, le Turkmenistan, l’Iran, Oman, les Émirats, Dubaï, l’Arabie Saoudite, Israel, la Turquie, la Grèce…
Bravo à toi! Peu nombreux sont les gens qui sont prêts à renoncer à leur quotidien pour tout plaquer et vivre une aventure à 100%
En vrai, c’était ça le plus dur. Plus la date du départ arrivait, plus la peur montait en moi. Mais je n’ai jamais douté malgré les questions de mes proches qui ne comprenaient pas pourquoi je partais. Et le pire c’est que je n’avais pas d’arguments concrets à leurs donner! J’avais simplement la conviction profonde de devoir partir.
Est-ce que ton envie de travailler dans le monde du cycle est venue durant ce voyage?
C’est venu après. Durant cette année de voyage, j’ai appris à coudre, à faire du pain et plein d’autres chose! Et à mon retour, je voulais faire quelque chose de mes mains. J’ai commencé avec les couteaux, les escaliers et à la suite d’un défi, j’ai construit mon premier vélo! Ça m’a pris un an. Il faut dire aussi que je ne savais même pas que c’était un métier!
C’est en rencontrant un menuisier que j’ai découvert le métier d’artisan cadreur. Il avait plusieurs vélos Guédon fabriqué à Lyon, dont un tandem, et j’ai été bluffé. Je suis donc parti à la rencontre de M. Guédon dans son atelier. À l’époque, il recherchait un cadreur pour reprendre son magasin. Moi qui n’avait construit qu’un seul cadre, je n’étais pas suffisamment qualifié même si la passion était bien là en moi. J’ai donc lâché l’affaire.
Je suis reparti dans ma campagne et durant 2 ans, j’ai continué de fabriquer de nombreux cadres tout en suivant plusieurs formations pour apprendre le métier… Puis, un beau jour, en marchant dans Lyon, je suis repassé devant la boutique de M. Guédon et j’ai vu qu’il n’avait toujours pas vendu. Je suis donc rentré pour discuter avec lui et mon expérience a su le convaincre. C’est comme ça que j’occupe dorénavant les locaux de l’historique Cycles Guédon.
Incroyable! Et peux-tu nous dire ce que veut dire « Roubam » et sur les valeurs que tu souhaites partager?
Roubam, ou roue bam, est la phonétique de « خوبم ». Cela signifie « Tout va bien » en Farsi.
Durant nos voyages, nous nous attachons à nos équipements et à nos porte-bonheurs. Au fil des péripéties, leur valeur grandit. Mes aventures ont donné une âme à mon couteau, à ma casserole, à ma tente … et à mon vélo. Sous un ciel bleu, je le nomme « Azur ». Chaque voyageur est fier de sa monture. D’une petite marque, d’une marque haut de gamme, d’un système de transmission exotique, d’un vélo à pneus larges, d’un vélo couché… à chacun son compagnon.
Roubam est né d’une envie de partage entre cyclotouristes, ultra-sportifs et autres amoureux du vélo. Ne pas avoir de carrosserie nous permet d’être lié directement aux passants, aux paysages et à la météo. Nous avons tous des histoires à raconter, ou à créer.
Quel type de vélos fabriques-tu?
Tous les vélos sont fait sur-mesure… Tout commence par une rencontre pour identifier les besoins, les envies et le style souhaité. Cela définit les caractéristiques du vélo, la position au guidon et la partie esthétique. Puis, on fait une étude posturale pour que la personne soit parfaitement confortable. Enfin, une fois les plans dessinés et validés, la fabrication dans l’atelier commence. Chaque cadre est fait de manière artisanale avec des tubes en acier italiens.
Je fais aussi des réparations et des modifications d’anciens cadres pour prolonger leur durée de vie. Et je fabrique des fourches cargo!
Des projets pour le futur que tu peux partager?
En 2024, j’aimerais fabriquer un tandem car c’était la spécialité des cycles Guédon. Je pense en faire un pour l’exposer.
Le magasin sera fermé tout le mois d’aout (2024), donc je veux partir voyager à vélo car ça fait longtemps que je n’en ai pas eu l’opportunité. Cette fois-ci, cela dit, j’aurais mon chien avec moi!
Quel est le meilleur moyen d’entrer en contact avec toi?
Via le formulaire sur mon site internet ou mon compte Instagram
Quels sont les artisans dont tu admires le plus le travail?
Joli Rouge, La Fraise et Chapman cycle qui fabriquent des vélos modernes au charme classique.